Par Olivier
Soumah-Mis : Consultant/coach en Management Interculturel
Y-aurait-il des raisons culturelles qui pourraient expliquer l’écart entre les deux
pays ?
Chaque années à
l’heure des résultats du commerce extérieur de la France, nous baissons la tête
car nous savons que les résultats vont être mauvais. Et lorsque nous le
comparons au résultat Allemand, nous avons honte.
En 2023, le solde
commercial de la France est déficitaire de −99,6 milliards d'Euros, alors que
pour la même année celui de l’Allemagne est excédentaire de 223.592,20
milliards d’Euros.
Comment
justifier d’un tel écart ?
L’écart du
commerce extérieur entre la France et l’Allemagne peut effectivement être
influencé par des facteurs culturels, mais il est important de préciser que
plusieurs autres éléments, économiques, politiques et structurels, jouent
également un rôle significatif. Malgré tout l’interculturel peut-être le détail
qui fait la différence au moment de conclure un business.
Il y a toujours
les explications classiques pour expliquer l’écart entre les deux pays: le
manque d'entreprises exportatrices, la désindustrialisation et les
délocalisations de production, les coûts de production ou encore un défaut de
compétitivité face aux pays émergents.
60% du commerce
extérieur Français, est réalisé par les ventes des filiales des grands groupes
alors que de l’autre côté du Rhin, ce chiffre ne représente que 42%. Ce qui
veut dire que se sont d’abord les PME Allemandes qui exportent. En France notre
côté élitiste nous a toujours fait préférer ce que nous appelons avec fierté « les
grands contrats », les Airbus, les TGV, les centrales nucléaires, etc.
Bien que des
études précises que le pourcentage d’échecs dans les affaires internationales
spécifiquement attribués aux facteurs culturels puissent varier, plusieurs
recherches et analyses offrent des indications sur l'importance de ces
facteurs. Voici quelques chiffres et statistiques qui illustrent l'impact des
facteurs culturels sur les échecs en affaires internationales :
Échecs liés à
la Culture : Selon
une étude de l’International Business Institute, environ 70 % des échecs
dans des initiatives d'expansion internationale sont dus à des malentendus
culturels, à la communication interculturelle et à la mauvaise ou non gestion
des différences culturelles.
Négociations
et Échecs commerciaux : Une étude réalisée par le professeur Geoffrey A. Moore a révélé
que 60 % des échecs de négociation dans des contextes internationaux
étaient liés à des différences culturelles, notamment dans les styles de
communication et de décision.
Échecs de
Projets Internationaux : Le Stanish Group a rapporté que 75 % des projets échouent en
raison de problèmes de communication, où les différences culturelles peuvent
être un facteur clé lié à la clarification des attentes, des rôles et des
processus.
Difficultés de
Collaboration : Une
enquête menée par McKinsey a révélé que 70 % des projets multisites ont
échoué à cause de problèmes de collaboration, soulignant que les différences
culturelles impactent la manière dont les équipes travaillent ensemble.
L’impact sur
les Investissements Étrangers : Selon une étude menée par le Harvard Business Review, environ 50 %
des entreprises qui se lancent à l'international signalent que les
problèmes culturels compliquent leur capacité à entrer sur de nouveaux marchés.
Statistiques
des Échecs d'Entrée sur le Marché : Une enquête menée par le Global Business Culture
a montré que 43 % des entreprises qui ont échoué à pénétrer un marché
étranger ont cité des facteurs culturels comme la principale raison de cet
échec.
En conclusion,
ce que nous disent ces études, c’est que les différences culturelles sont les
premières causes d’échec dans les affaires internationales.
Bien que ces
chiffres puissent varier selon les secteurs et les contextes spécifiques, ils
montrent clairement que les facteurs culturels ont un impact significatif sur
les résultats des entreprises internationales. Les entreprises qui n'intègrent
pas la dimension culturelle dans leur stratégie d’internationalisation courent
un risque élevé de rencontrer des difficultés, voire d'échouer dans leurs
efforts à l'échelle mondiale. Cela souligne l'importance de la préparation
interculturelle par des trainings, coachings et des team buildings culturels
dans la réussite des affaires internationales.
Mais
focalisons-nous plus en détail sur les arguments culturels qui pourraient
expliquer les différences dans les balances commerciales entre la France et
l'Allemagne, en considérant des aspects comme la capacité d'adaptation, la
tolérance à l'incertitude, la rigidité par rapport à la flexibilité, et
d'autres éléments culturels pertinents :
Une des grandes
qualités qu’il faut avoir à l’international, c’est la flexibilité. A
l’international les choses ne se passent pas, souvent, comme nous avons
l’habitude chez nous. Il faut donc être capable de remettre en cause nos
certitudes qui sont des œillères dans un contexte international. En France nous
avons tendance à confondre rigueur et rigidité, les Allemands sont rigoureux,
les Français avons tendance à être rigides. Nos rigidités sont des freins à
l’adaptation donc à la flexibilité, indispensable à la réussite à
l’international. La rigueur allemande ne les empêche pas de s’adapter. Au
Mexique les Allemands vont se « Mexicaniser », au Japon ils vont se
« Japoniser ». Pour nous ça sera un peu plus compliqué. Les Français ont
tendance à rester Français au Mexique, au Japon ou ailleurs.
L’autre frein
culturel au développement international que l’on retrouve souvent chez les
Français, c’est le besoin de contrôle, de certitudes, ce besoin vient d’un
manque de sécurité que l’on va compenser par un fort besoin de tout contrôler,
tout prévoir, tout anticiper. Le Français, SAIT, mais à l’international les
doutes sont des vertus, ça nous maintient éveillés, attentifs, à l’écoute. Et à
l’international c’est très difficile de tout contrôler, surtout dans les pays
émergents ou la planification fonctionne très mal. Dans beaucoup de pays
émergents il faut au contraire savoir gérer l’incertitude, dans un pays comme
le Mexique et dans beaucoup d’autres on vit en permanence dans l’incertitude,
on est jamais sûr que les choses vont se passer comme prévu, tout est possible,
tout bouge en permanence. Les Allemands ne sont pas beaucoup mieux que nous sur
ce besoin de contrôle, de certitudes, mais eux, ils compensent par une
meilleure préparation culturelle pour « survivre » au quotidien dans
un environnement changeant.
Ces facteurs
culturels interagissent avec des éléments économiques et structurels pour
façonner la dynamique du commerce extérieur des deux pays. En tenant compte de
ces aspects culturels, on peut mieux comprendre pourquoi l’Allemagne peut
afficher une balance commerciale bien plus favorable que celle de la France. Les
entreprises françaises ne devraient pas négliger les facteurs culturels qui
font perdre beaucoup de temps, donc d’argent voire peuvent faire échouer un
projet à l’international.
Maintenant
voyons de plus près comment les entreprises Allemandes et Françaises intègrent
l’interculturel dans leurs stratégies de développement international :
Comparer la
manière dont les entreprises allemandes et françaises prennent en compte
l’interculturel dans leurs stratégies de développement international peut
révéler des différences significatives, bien que cela dépende largement de
l'industrie, de l'entreprise spécifique et du contexte local. Malgré tout voici
quelques points clés à considérer concernant les approches typiques des deux
pays :
Approche
allemande : Les Rois du « Think Global, Act Local »
Méthode
systématique : Les
entreprises allemandes sont généralement connues pour leur approche rigoureuse
et systématique lorsqu'il s'agit d'expansion internationale. Elles investissent
souvent dans des études de marché approfondies, qui tiennent compte des
spécificités culturelles du marché étranger qu’elle cible, ce qui les aide à
mieux comprendre les cultures locales.
Préparation
interculturelle :
Beaucoup d'entreprises allemandes intègrent des programmes de formation, de
coaching interculturelle pour leurs personnels international, favorisant ainsi la
conscience culturelle et intégrer les compétences interculturelles dans les
équipes multiculturelles.
Localisation
des produits et services :
Les entreprises allemandes tendent à davantage localiser leurs offres en
fonction des besoins et des préférences culturelles des marchés cibles. Elles
sont souvent prêtes à adapter leur approche tout en maintenant une haute
qualité.
Approche
française :
Culturalisme
fort : Les
entreprises françaises peuvent avoir une approche plus ethnocentrée, focalisée
sur leur propre identité culturelle forte et leur savoir-faire. Cela les amène
à être moins flexibles dans l’adaptation de leurs pratiques ou l’adaptation des
produits/services ou du comportement de leur personnels international aux
spécificités culturelles locales. A l’international il faut être capable de se remettre
en cause, c’est-à-dire adapter notre proposition commerciale, nos produits ou
services, le comportement du vendeur, son argumentaire commercial, le plan de
communication, etc.
Défis à
l’internationalisation :
Certaines entreprises françaises pourraient montrer plus de résistance à l'idée
de changer fondamentalement leur manière de travailler ou de produire, par
rapport aux allemandes, ce qui pourrait les amener à moins prendre en compte
les dimensions interculturelles.
Comparaison
générale entre les deux pays:
Volonté
d’adaptation : Les
entreprises allemandes semblent généralement plus prêtes à adapter leurs
modèles d'affaires pour s’aligner sur les cultures locales, tandis que les
entreprises françaises peuvent parfois privilégier une approche plus centrée
sur leur identité nationale.
Focus sur la
qualité et le processus : Les entreprises allemandes sont souvent perçues comme attachées à leurs
normes de qualité et à des processus bien définis, ce qui les pousse à utiliser
les compétences interculturelles comme un moyen d’améliorer leur performance sur
les marchés locaux.
Ce que l’on peut
dire c’est que les entreprises allemandes, typiquement, prennent plus
systématiquement en compte l’interculturel, et de manière plus proactive dans
leurs stratégies de développement international que certaines entreprises
françaises. Cela étant dit, il y a aussi des exemples d’entreprises françaises
qui adoptent avec succès des pratiques interculturelles approfondies, et la
situation évolue continuellement avec l'évolution des marchés globaux.
Mais plus précisément
quels sont les points culturels sur lesquels les entreprises allemandes
focalisent leur attention ?
l'interculturel
est un élément crucial dans le développement international des entreprises
allemandes. Voici plusieurs raisons qui soulignent son importance :
Adaptation aux
marchés locaux : La
connaissance et la compréhension des différences culturelles permettent aux
entreprises allemandes de mieux s'adapter aux attentes et comportements des
consommateurs locaux. Cela inclut l'adaptation des produits, des services et
même des méthodes de communication pour répondre aux spécificités culturelles.
Pour cela Les entreprises allemandes mettent l'accent sur la formation
interculturelle de leurs employés, afin de mieux comprendre les normes, valeurs
et comportements des cultures locales. Cela permet de réduire les malentendus
et d'améliorer la communication.
Renforcement
des relations commerciales : Pour les managers Allemands, la construction de relations de confiance
avec des parties prenantes locales est essentielle au succès. Une approche
interculturelle facilite les négociations et explique les rituels d'affaires
spécifiques à chaque culture. Une conscience interculturelle aide à minimiser
les malentendus qui pourraient survenir lors de collaborations internationales.
Cela favorise la mise en place de relations de travail efficaces avec des
partenaires, des clients et des employés de différentes cultures.
Gestion des
ressources humaines : Dans les entreprises Allemandes la diversité au sein des équipes est
valorisée. Les entreprises favorisent un environnement de travail inclusif,
prenant en compte les différences culturelles dans la gestion des ressources
humaines et l'organisation du travail. La sensibilité interculturelle aide à
créer un environnement de travail inclusif, de respect, stimulant la créativité
et l'innovation.
Attraction et
fidélisation des talents et des clients : Les entreprises Allemandes adoptent une approche
interculturelle et inclusive ce qui les rends souvent plus attractives pour les
talents internationaux. Elles favorisent un environnement où les employés se
sentent valorisés, ce qui peut également améliorer la fidélisation du
personnel. Et il en va de même pour la fidélisation des clients, une approche
locale du marché, montrer aux prospects/clients que vous avez compris leurs
nécessités spécifiques, optimise votre réussite sur le marché cible. Et ça, les
Allemands le font mieux que nous.
Réputation et
image de marque : Dans
le même esprit que le point antérieur, avoir une stratégie interculturelle
forte peut également renforcer la réputation d'une entreprise sur les marchés
internationaux, en mettant en avant son engagement envers la diversité et la
responsabilité sociale.
Réponse aux
défis globaux : Enfin,
dans un monde de plus en plus interconnecté, les défis comme les crises
économiques, environnementales et sociales nécessitent des réponses globales.
Une perspective interculturelle permet aux entreprises d'être plus agiles,
mieux adaptées et réactives face à ces défis.
En somme,
l’attention aux différences culturelles est non seulement une question de
respect et d’éthique, mais également un impératif stratégique qui peut
déterminer le succès ou l'échec d’une entreprise sur la scène internationale.
Adopter une approche interculturelle est une composante clé d'une stratégie de
développement international durable et prospère.
Dans les
entreprises Allemandes l’interculturel est un passage obligé, dans beaucoup d’
entreprises Françaises c’est encore optionnel.
Il est grand
temps que les multinationales Françaises prennent conscience de l’importance de
tenir compte des différences culturelles sur les marchés internationaux, ne
plus être dans la négation, ne plus voir l’interculturel comme un gadget ou la
somme de petits détails avec lesquels on se débrouillera. Au tout début de la
globalisation « moderne » il fallait avoir beaucoup de
débrouillardise pour se développer à l’international, aujourd’hui il faut être
très professionnel sur tous les points.
A l’international
ce n’est pas forcément le meilleur qui gagne, c’est celui qui a une offre
adaptée à la réalité culturelle du marché cible. Finalement c’est toujours le
client qui a le dernier mot. Et à l’international d’un pays à l’autre les
clients sont différents. L’interculturel explique une partie importante du
pourquoi d’un tel écart des balances commerciales entre la France et l’Allemagne.