Le Nouvel Observateur du 4 Avril.
Combien sont-ils ces jeunes
Français qui choisissent de quitter leur pays ? Tous les chiffres donnent la
même tendance : ils sont de plus en plus nombreux. 155.266 jeunes âgés de 18 à
25 ans vivent à l'étranger d'après le ministère des Affaires étrangères (14% de
hausse depuis 2008).
On estime qu'un étudiant d'école de commerce sur
cinq, et un élève d'école d'ingénieurs sur dix choisit désormais de franchir
les frontières, une fois ses études terminées. Et les programmes d'aide pour
partir à l'étranger sont en plein boom. Le dispositif du Volontariat
international en Entreprise (VIE), qui permet de tester des jeunes sur des
missions export, est passé de 2.080 à 7.070 salariés en 10 ans. Une progression
de 240%. Et le Programme Vacances Travail (PVT) du Quai-d'Orsay, destiné aux
18-30 ans, concerne aujourd'hui près de 30.000 globe-trotters contre seulement
quelques centaines il y a une décennie.
L'appel du grand large ?
Mehdi, diplômé de l'école de commerce Euromed Marseille, n'y a pas résisté et a
choisi le Canada :
Les
boîtes françaises ne jurent que par la diversité, mais embauchent toujours les
mêmes profils. Au Québec, on m'a proposé les responsabilités d'un cadre
senior."
Les DRH le savent, les "serials
entrepreneurs", ceux qui ont la rage de créer et brûlent de prendre leur
revanche, viennent souvent des zones difficiles. Et, comme ils ont le sentiment
que rien ne bouge en banlieue, certains préfèrent partir, déçus, floués.
Ces "enragés" pour qui la vie est
ailleurs ne représentent pas tous les cas de départs. A l'autre bout du spectre
social, on remarque aussi une catégorie en hausse de candidats à l'exil : les
"conquérants", ces entrepreneurs convaincus que leur projet de
start-up ne peut désormais se réaliser qu'à l'étranger. Ilan Abehassera,
diplômé d'Euromed qui a créé puis revendu Producteev, une entreprise de
software qui a rejoint le top des logiciels de gestion, raconte :
A New York,
créer ma boîte m'a pris vingt minutes sur internet, plus trois heures de
consultation juridique. Et il ne m'a fallu qu'une semaine
pour lever des fonds. Cela aurait été impossible à Paris avec la bureaucratie
et les investisseurs frileux".
De son côté, Eva Camarasa, diplômée de l'Ecole de
Management de Strasbourg, témoigne :
Après deux
années à Hongkong et à Helsinki, j'ai travaillé à Bangalore, en Inde.
De retour en France, les employeurs me reprochaient d'avoir débuté à l'étranger
ou m'off raient à peine le smic. Je suis repartie créer une boîte en Inde. Je
n'envisage pas de rentrer".
Comme beaucoup d'autres, Thomas Chabrières, 28 ans,
ancien publicitaire, créateur de Shanghai Insiders (maisons d'hôte et circuits
dans la Chine profonde), un sous-traitant du Club Med, a succombé aux charmes
de la Chine :
En
France, dit-il, le droit à l'échec n'existe pas, la société est morose et la
bureaucratie est hallucinante."
A écouter les exilés, le
système de formation et d'insertion professionnelle, élitiste et méprisant pour
les "petits diplômes", serait à bout de souffle. Seule solution pour
les talents frustrés : un parcours d'aventurier hors de l'Hexagone. Ces jeunes découvrent qu'à l'étranger ce n'est pas le diplôme qui
fait la loi, mais l'énergie et la volonté. Et qu'à la clé il y a souvent une
reconnaissance plus importante qu'en France.
Une perte, ces exils ? Ce n'est pas si sûr.
Certains partent pour revenir avec de belles idées.
Que
les Français s'en aillent explorer le monde est positif, souligne Pierre Tapie,
patron de l'Essec et président de la Conférence des Grandes Ecoles. Après les
avoir longtemps taxés de casaniers, ne tombons pas dans la critique inverse.
Comptent-ils rentrer ou quitter définitivement la France ? Je ne crois pas à
une fuite des cerveaux."
Patrick Fauconnier et
Jean-Gabriel Fredet
> Lire
l'intégralité du dossier "Etudier, travailler à l'étranger : la tentation
du départ", dans "le Nouvel Observateur" du 4 avril.
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