Par Olivier Soumah-Mis Spécialiste, consultant/coach du Management Interculturel
C'est une excellente question
qui touche au cœur de l'évolution moderne du secteur touristique. La réponse
est un « oui » résolu.
De plus en plus de pays et d'acteurs du tourisme de haut de gamme intègrent les compétences interculturelles non plus comme un "plus", mais comme un élément fondamental de leur stratégie de développement et de leur promesse de qualité.
Parmi les pays les plus avancés dans cette
démarche, on peut citer, de manière non exhaustive :
- Le Japon (l'exemple le
plus abouti)
- La Corée
du Sud
- Les Émirats arabes unis (notamment
Dubaï et Abou Dhabi)
- La Malaisie (avec son
programme "Malaysia Friendly")
- Singapour
- La Thaïlande (de plus en
plus)
Le cas du Japon est
particulièrement emblématique et mérite d'être détaillé.
Le Japon : Une étude de cas
sur l'intégration stratégique de l'interculturel
Le Japon a fait de l'accueil des touristes internationaux (inbound tourism) une priorité nationale, surtout depuis les Jeux Olympiques de 2020. Leur approche est systémique et part du principe que leur excellence de service traditionnelle (Omotenashi) doit être adaptée pour être comprise et appréciée par des cultures différentes.
1. Au niveau national et gouvernemental
L'Organisation Nationale du Tourisme du Japon
(JNTO) est l'acteur clé.
- Formation et ressources : La JNTO développe et met à
disposition une multitude de ressources en ligne, de guides et de
séminaires de formation sur l'accueil des touristes internationaux. Ces
formations couvrent la communication interculturelle, les gestes
appropriés, la compréhension des attentes spécifiques des différentes
nationalités (chinoises, coréennes, occidentales, etc.), et la gestion des
situations délicates.
- Campagnes de sensibilisation : Elles lancent des campagnes comme
"Visit Japan" qui mettent en avant non seulement les sites, mais
aussi la qualité de l'accueil et la sécurité, des valeurs très importantes
pour de nombreux marchés.
- Certification : Le gouvernement a mis en place un système de certification
pour les guides-interprètes et les établissements qui répondent à des
standards de qualité élevés, incluant souvent des critères liés à la
compétence interculturelle.
2. Au niveau de la formation du personnel
C'est ici que la théorie devient très concrète.
- Dans les hôtels : Les grands groupes hôteliers (comme Mitsui Fudosan Hotel
Group, Prince Hotels) forment leur personnel de réception, de conciergerie
et de service en chambre à :
- Reconnaître et respecter les différences
culturelles (ex: les pourboires, le concept de temps, le niveau de
bruit).
- Comprendre les besoins alimentaires
spécifiques (halal, kosher, végétarien strict).
- Maîtriser une communication non-verbale
adaptée (le sourire, la distance physique, le contact visuel).
- Gérer les plaintes avec des approches
différentes : un client américain peut être direct, tandis qu'un client
chinois exprimera son mécontentement de manière plus indirecte.
- Dans les transports : Les compagnies aériennes (ANA, JAL)
et les sociétés ferroviaires (JR) forment leurs équipes à un service haut
de gamme et interculturel. Les chauffeurs de taxi, souvent âgés, sont
encouragés à suivre des cours d'anglais basique et reçoivent des guides
sur les destinations principales.
3. Au niveau du management et du leadership
Les entreprises touristiques japonaises intègrent de plus en plus le management interculturel.
- Recrutement : Elles recrutent délibérément du personnel multiculturel et
multilingue pour diversifier leurs équipes et apporter une compréhension
interne des marchés cibles.
- Formation des managers : Les managers apprennent à motiver et
à diriger des équipes composées de Japonais et d'étrangers, en tenant
compte des différences dans les styles de communication (direct vs.
indirect), de prise de décision et de rapport à la hiérarchie.
- Approche client personnalisée : L'Omotenashi, l'art japonais
de l'hospitalité, est par essence une approche personnalisée. Il s'agit
d'anticiper les besoins du client sans qu'il ait à demander. Aujourd'hui,
cela signifie anticiper les besoins d'un client en fonction de sa culture
d'origine. Par exemple, dans un ryokan (auberge
traditionnelle), le personnel saura qu'un client occidental pourrait avoir
besoin de plus d'explications sur l'étiquette du bain thermal (onsen)
et adaptera son discours en conséquence.
4. Dans le marketing et la communication
La stratégie marketing du Japon est finement segmentée par marché.
- Messages adaptés : Les campagnes publicitaires pour le marché chinois ne sont
pas les mêmes que pour le marché français ou australien. Elles mettent en
avant des aspects différents du voyage (le shopping, la gastronomie,
l'aventure, les photos pour les réseaux sociaux) en fonction des
motivations culturelles.
- Présence sur les médias sociaux : Le Japon est très actif sur WeChat
(pour la Chine), KakaoTalk (pour la Corée) et sur les plateformes
occidentales, avec un contenu et un ton adaptés à chaque audience.
Autres exemples notables :
Conclusion
L'intégration des compétences interculturelles dans les stratégies de développement touristique est une réalité croissante et un facteur clé de différenciation. Le Japon se distingue comme un leader en la matière grâce à une approche holistique, allant de la politique gouvernementale à la formation terrain, en s'appuyant sur sa culture du service déjà très forte.
Les pays qui réussiront dans le tourisme du futur
ne seront pas seulement ceux qui ont de beaux paysages ou des monuments
historiques, mais ceux qui sauront offrir une expérience d'accueil respectueuse,
adaptée et mémorable pour chaque visiteur, quelle que soit son
origine. La maîtrise de l'intelligence interculturelle est au cœur de cette
excellence.








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