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viernes, 20 de diciembre de 2013
martes, 10 de diciembre de 2013
LA GUERRE MONDIALE DES TALENTS EST DÉCLARÉE
Par Valerie Landrieu (Journal
Les Echos)
L’Insead lance un « Pisa » des talents, en mesurant la compétitivité des pays en la matière. Le cabinet de recrutement britannique Hays explore l’adéquation compétences/emplois.
40 millions de « talents » pourraient venir à manquer à travers le monde - Reuters
40 millions de « talents » pourraient venir à manquer à travers le monde - Reuters
Les chiffres, vertigineux,
s’accumulent. D’ici aux vingt prochaines années, 40 millions de « talents » pourraient venir à manquer à travers le monde tandis que les économies émergentes – indiennes, sud-asiatiques et africaines – se retrouveraient à court de quelque 45 millions de professionnels de niveau
intermédiaire, dotés de compétences techniques (étude McKinsey 2012). Dans le même temps, 90 millions de
travailleurs faiblement qualifiés viendraient constituer un dangereux
trop-plein... Plus proche de nous : d’ici à 2015, dans une Europe minée par le
chômage des jeunes, 900.000 postes du secteur des IT (technologies de
l’information et de la communication) demeureraient vacants, faute de
compétences.
Une corrélation entre talents et innovation
La « guerre des talents » menée par les entreprises ? Le sujet, devenu banal, prend un autre relief si on
le considère à l’échelle des nations, surtout après l’annonce du dernier
classement Pisa de l’OCDE. Ressources clefs, les compétences professionnelles
sont désormais considérées comme « le moteur » de la compétitivité et de l’innovation d’un pays. La publication, à quelques jours d’intervalle, de deux indicateurs
sur les talents et les compétences à l’échelle du globe peut contribuer à la
réflexion.
Dix ans après le lancement de son rapport
mondial sur les technologies de l’information, cinq ans après celui sur
l’innovation, l’Insead a décidé de lancer avec le Human Capital Leadership
Institute de Singapour, en partenariat avec le géant suisse de l’intérim
Adecco, un « Indice global de compétitivité des talents » (GTCI, pour Global Talent Competitiveness Index). Objectif annoncé :
évaluer ce que les Etats font pour « cultiver,
attirer et retenir les talents », résume Bruno Lanvin, directeur exécutif en charge des indices mondiaux à l’Insead.
Cent-trois pays ont été
passés au crible de 48 variables pour un classement « sans contradiction majeure » : « Il existe une très forte corrélation entre le PIB et l’indice des talents ». Et un enseignement à prendre en considération : « Ce sont les pays qui font le plus d’efforts pour attirer et retenir les talents qui sont les
plus performants en matière d’innovation. » Au-delà de ces conclusions générales, de bonnes surprises viennent d’Europe : « On ne s’attendait pas à voir huit pays européens sur les dix premiers classés, et seize dans le top 20 », relève Bruno Lanvin, faisant valoir la tradition des systèmes d’éducation
du Vieux Continent.
La démarche de Hays est
légèrement différente. Pour le cabinet de recrutement britannique qui publie,
cette année, la deuxième édition de son « Index
mondial des compétences », il s’agit directement d’« identifier les éventuels déséquilibres entre les compétences disponibles et celles recherchées par les employeurs », en croisant, avec les prévisionnistes d’Oxford Economics, les
chiffres officiels et les données de ses bureaux, via sept critères.
Suisse, Singapour, Danemark, Suède...
En définitive, que ce soit
pour leur gestion des talents ou pour l’efficacité de leur marché du travail,
les mêmes champions sont identifiés : la Suisse, décidément bonne élève des
classements internationaux (elle a gagné trois places dans Pisa), Singapour, le
Danemark, la Suède et le Luxembourg. Première pour quasiment tous les critères
de l’Insead, la Suisse « est l’un des pays au monde qui a le mieux établi les pratiques liées à l’apprentissage », explique Bruno Lanvin. C’est aussi l’un des leviers des pays nordiques du top 5 : ils ont fait évoluer plus rapidement que
les autres leurs systèmes éducatifs en privilégiant la qualification et l’employabilité. La Pologne, « remarquable » trente-deuxième position dans le classement Insead, se distingue, elle,
par « un marché du travail – et des compétences – proche de l’équilibre », selon Hays. C’est le pays qui « affiche le plus haut taux de croissance européen des dernières années et qui a bénéficié d’un solide et rigoureux système d’apprentissage », remarque le directeur exécutif de l’Insead. C’est aussi « le sixième pays au monde pour le
pourcentage de la force de travail bénéficiant d’un niveau secondaire d’éducation ». Et celui qui a gagné treize places dans Pisa.
Sciences et techniques
Hays et l’Insead se
retrouvent sur un même constat quant à « une inadéquation grandissante entre
les besoins des entreprises en termes de compétences et ceux que les marchés locaux du travail ont à fournir ». De quoi s’agit-il ? D’un manque de compétences techniques et
scientifiques, qui fait l’unanimité sur le globe. Technologies, IT, Cloud
computing, nucléaire, informatique et même BTP… Le monde veut des ingénieurs !
L’Allemagne ne fait pas exception. Elle bataille pour trouver suffisamment de
talents à compétences techniques, mathématiques, biologiques et informatiques
pour combler quelque 90.000 postes vacants d’ingénieurs et de techniciens. « C’est une constante partout. Les ingénieurs qualifiés, et plus encore avec plusieurs années d’expérience, ont
le choix de leurs postes. Sur cinq offres d’emploi, un candidat aura cinq
propositions d’embauche », explique Alistair Cox, le directeur général d’Hays. Les ingénieurs, certainement mais, « la combinaison des talents, les double-formations sont aujourd’hui très
recherchées », selon Bruno Lanvin.
En schématisant, par zones
géographiques, il faudrait des techniciens et des ingénieurs pour l’Afrique,
des enseignants pour l’Inde, du personnel de santé intermédiaire pour l’Europe,
notamment en Suisse et au Royaume-Uni, et encore des ingénieurs pour le Japon.
S’appuyant sur les observations de ses bureaux locaux, Hays met aussi en avant
une pénurie de travailleurs très qualifiés au Brésil, au Canada, au Chili, au
Mexique, à Hong-Kong et en Belgique. Mention spéciale pour les Pays-Bas, où les
« compétences spécialisées sont très recherchées » et où « les candidats dotés de compétences internationales constatent qu’ils peuvent travailler pour l’employeur de leur choix », selon Robert van Veggel,
directeur général de Hays Pays-Bas.
Pénurie de compétences internationales en France
Les « compétences internationales » sont justement des points faibles de la France, qui affiche toutefois des
performances assez homogènes dans le rapport Insead (20e rang). Hays note dans l’Hexagone « la même demande pour les métiers de l’ingénierie, de l’informatique, de la R&D et du BTP que partout ailleurs dans le monde », explique Tina Ling, la
directrice générale France et Luxembourg. A noter par ailleurs : le secteur bancaire, qui
avait essuyé un revers avec la crise en 2008, est de nouveau en quête de
gestionnaires de risques.
Les recettes des leaders
Quelles sont les
caractéristiques communes aux champions du talent ? Ils rendent leur marché du
travail plus flexible, investissent dans la formation tout au long de la vie et
sont plus ouverts que d’autres à la mobilité géographique, ne manquent pas de
suggérer les deux études. Hays prêche ainsi pour la flexibilité du marché du
travail et la circulation aussi large que possible des travailleurs qualifiés,
et insiste sur une nécessaire proximité entre éducation et entreprises.
La dichotomie compétences
recherchées/emplois disponibles résulte de l’insuffisance des efforts des
gouvernements, de celle des syndicats et des organisations professionnelles,
des écoles et des universités, voire des individus eux-mêmes, suggère Hays.
Elle peut aussi trouver sa source du côté des entreprises. Certaines rechignant
ou négligeant la nécessité d’investir dans la formation, en comptant trouver
directement sur le marché du travail les personnes à haut niveau de compétences
dont elles ont besoin.
« C’est en produisant des postes hautement qualifiés que l’on peut créer les postes les moins qualifiés », défend Alistair Cox, déplorant que ces déséquilibres brident la croissance et
freinent la création de nouveaux emplois.
Valérie
Landrieu
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